Par un jugement rendu ce 8 juin, le tribunal administratif de Marseille a annulé l’autorisation d’exploitation de la biomasse par la centrale thermique de Gardanne qui avait été délivrée au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) par le préfet des Bouches-du-Rhône le 29 novembre 2012.
La biomasse est une énergie renouvelable qui doit contribuer à la transition énergétique, mais le projet de Gardanne est critiqué par des associations écologistes pour son gigantisme. D'une puissance de 150 mégawatts, la centrale exploitée par le groupe allemand Uniper est la plus importante unité de production d’électricité à partir de biomasse de France. Elle a déjà commencé à fonctionner à titre de test et devrait à terme fournir 6% de la production d’électricité de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en consommant chaque année 850.000 tonnes de bois dont une moitié environ constituée de bois issu de coupes forestières et l’autre moitié provenant de résidus d’élagage et de bois en fin de vie.
Insuffisance de l'étude d'impact
L’arrêté préfectoral de 2012 était attaqué par plusieurs associations de défense de l’environnement dont France Nature Environnement (FNE) mais aussi par les parcs naturels régionaux du Verdon et du Luberon et par deux communautés de communes des Alpes-de-Haute-Provence. Parmi les motifs invoqués par les plaignants : l’insuffisance de l’étude d’impact et de l’évaluation Natura 2000, qui ne portaient que sur un périmètre de trois kilomètres autour de l’installation sans tenir compte des sites de prélèvement en bois forestier, et l’insuffisante évaluation de l’impact du trafic routier induit par le transport de bois et de la pollution atmosphérique liée aux rejets de particules fines, de dioxines et de dioxyde de carbone par la centrale.
Le tribunal a d’abord relevé que, eu égard à l’importance des prélèvements en bois forestier qui devraient représenter à terme 35% du gisement forestier disponible dans un rayon de 250 kilomètres autour de la centrale, "les conditions d’approvisionnement en bois forestier constituent un élément essentiel de l’exploitation au regard des incidences prévisibles de l’installation sur l’environnement". Il a ensuite jugé l’étude d’impact "insuffisante" dès lors qu’elle ne comporte pas d’analyse des effets "indirects et permanents" de la centrale sur les zones de prélèvement en bois, en méconnaissance des dispositions de l’article R.512-8 du code de l’environnement. Il a également relevé que, compte tenu des particularités du mode d’approvisionnement de la centrale, l’étude d’impact n’était pas proportionnée à l’importance de l’installation. Enfin, le tribunal a considéré que l’insuffisance de l’étude d’impact a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population au stade de l’enquête publique et a été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.
"L'étude aurait dû prendre en compte l'impact gigantesque pour la ressource forestière française de ce projet surdimensionné", a commenté Sophie Bourges, juriste chez FNE. A compter de ce jour, la centrale n'a plus le droit de fonctionner, mais le groupe Uniper peut faire appel, ou, en cas d'échec, recommencer une nouvelle étude d'impact, a-t-elle expliqué.
Inquiétudes sur l'emploi
Pour le député sortant François-Michel Lambert, candidat à sa réélection sous l'étiquette La République en marche, "le groupe a voulu forcer les lois françaises" en reconvertissant sa centrale à charbon, jugée pas assez rentable, en une centrale biomasse démesurée, sans mener les études d'impact suffisantes. L'ancienne ministre de l'Environnement Ségolène Royal a botté en touche et "l'Etat a mis la tête dans le sable" en laissant le projet se faire, sur fond de conflit social dur avec les salariés, qui craignaient pour leur emploi, poursuit ce détracteur de longue date du projet, qui plaidait pour une reconversion dans le gaz. "Je suis très inquiet pour les salariés, on peut redouter qu'ils annoncent la fermeture" du site, avance-t-il. "La région manque d'emplois", a abondé le maire de Gardanne, Roger Meï (PCF) évoquant "un coup dur". L'édile annonce dans un communiqué avoir sollicité le préfet pour "lui demander de laisser le temps à l'entreprise de répondre".
Au total, 250 millions d'euros ont été investis pour la reconversion à la biomasse d'une tranche de la centrale, qui génère 80 emplois directs selon son exploitant, et a commencé à brûler, faute de ressources locales suffisantes, du bois importé d'Amérique du Sud. Dans l'immédiat, "nous demandons à l'Etat d'accorder une dérogation ou un permis d'exploiter provisoire", a réagi auprès de l'AFP Nadir Hadjali, secrétaire général adjoint de la CGT du site. "On est d'accord pour que l'aspect environnemental soit pris en compte, mais qu'on nous parle de fermeture, là, on n'est plus d'accord", poursuit le représentant, qui appelle la direction à confirmer rapidement sa volonté de poursuivre le projet.
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