Un décret, paru ce 30 septembre, précise le régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes au projet de terminal méthanier flottant d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) dans la circonscription du grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (site du Havre). Brandissant la menace pesant sur la sécurité d'approvisionnement en gaz du territoire national et la perspective d’hivers difficiles, la loi "portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d’achat" (article 30) prévoit un régime procédural dérogatoire, notamment aux règles du code de l’environnement, pour permettre un démarrage précoce des travaux et aménagements portuaires nécessaires au raccordement du futur terminal méthanier flottant, en permettant entre autres de s’affranchir de l’évaluation environnementale, de simplifier les consultations obligatoires des collectivités, ou encore de réaliser une partie des travaux de façon anticipée, et sans attendre la validation des mesures de compensation, au grand dam des ONG de défense de l’environnement. Des dispositions à l’endroit desquelles, le Conseil constitutionnel (décision n° 2022-843 DC du 12 août 2022) a d’ailleurs émis une réserve d’interprétation, formulée en des termes inédits sur le fondement de l'article 1er de la Charte de l’environnement, jugeant qu’elles "ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz".
A la lecture du présent décret d’application, signé par la Première ministre, et trois autres ministères (Justice, Transition écologique et Transition énergétique), on découvre, non sans une certaine surprise (sachant que l’article 30 de la loi Pouvoir d’achat n’en fait pas expressément mention), que le contentieux applicable aux décisions relatives au projet de terminal méthanier flottant répondra également à un "régime spécifique".
Contenir les recours contentieux
Le texte donne ainsi compétence, à partir du 1er octobre, au tribunal administratif de Rouen pour statuer en premier et dernier ressort sur l'ensemble de ces décisions, à l'exception de celles relevant du Conseil d’Etat (prévues à l’article R. 311-1 du code de justice administrative). Le champ est vaste. Sont visés les litiges, "y compris pécuniaires, relatifs à l'ensemble des décisions, y compris de refus, (…), nécessaires même pour partie, à l'installation, la mise en service et l'exploitation du terminal méthanier flottant, y compris les décisions portant sur les travaux portuaires associés et sur la construction et l'exploitation de la canalisation de transport et de raccordement au réseau de gaz naturel et ses installations annexes".
Tout d'abord, le traitement contentieux est accéléré. Le tribunal devra statuer rapidement, c’est-à-dire "dans un délai de dix mois à compter de l'enregistrement de la requête". Le décret prévoit également que le délai de recours contentieux contre les décisions prises à compter du 1er octobre est d’un mois seulement (au lieu de deux mois en principe) et n'est en outre "pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif". Le texte prévoit enfin que les tribunaux administratifs qui auraient été précédemment saisis, avant le 1er octobre, de recours contre de telles décisions, y statuent en premier et dernier ressort.
Il s’agit bel et bien de "réduire le risque que des recours ne ralentissent la réalisation du futur terminal méthanier du Havre", a réagi sur Twitter l’avocat spécialisé en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, citant les principales mesures du décret - "délai de recours d’un mois, pas de recours préalable, instruction en 10 mois, pas d’appel possible". "On est en train de prendre de très mauvaises habitudes et de considérer le code de justice administrative comme une variable d’ajustement de la réalisation de projets divers…", s’est également ému, Olivier Renaudie, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne.
Référence : décret n°2022-1275 du 29 septembre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes au projet de terminal méthanier flottant dans la circonscription du grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (site du Havre), JO du 30 septembre 2022, texte n°35. |
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