Alors que les contrats de projets 2007-2013 sont sur les rails depuis plusieurs mois, c'est l'heure du bilan pour les contrats de plan 2000-2006. Quatrième génération, l'édition 2000-2006 devait s'attacher particulièrement à la création d'emplois et d'activités à caractère "durable". Au total, ces contrats ont représenté des engagements de 38,39 milliards d'euros, cofinancés quasiment à parité par l'Etat et les régions. Un montant largement supérieur aux sommes engagées lors des précédents contrats de plan 1994-1999, qui avaient mobilisé 22,63 milliards d'euros. D'après la lettre de novembre 2007 de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact), pour la période 2000-2006, l'Etat s'est engagé à hauteur de 19,5 milliards d'euros, dont 18,9 milliards pour les contrats régionaux et 0,6 milliard pour les programmes interrégionaux, contre 11,79 milliards pour les contrats de plan 1994-1999. Les régions ont quant à elles engagé 18,88 milliards d'euros, contre 10,84 milliards pour la période précédente. Le taux de délégation de ces contrats est également supérieur à celui des contrats précédents : 81,1% pour les contrats de plan 2000-2006, contre 79,7% fin 1998 pour les contrats 1994-1999. Il est même supérieur aux attentes : le Ciact du 6 mars 2006 annonçait un taux de délégation prévisionnel de 80,8%. Et, d'après la Diact, il pourrait encore s'améliorer pour atteindre 85% en moyenne une fois réalisés les engagements liés à la prolongation du volet territorial jusqu'à fin 2007 ainsi que l'achèvement du volet routier. Le retard de deux ou trois ans, prévu début 2005, pour la réalisation des projets, a finalement été rattrapé, l'Etat ayant décidé de mobiliser des moyens exceptionnels dans le domaine des transports (1,5 milliard d'euros supplémentaires) et dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche (81 millions d'euros supplémentaires).
Un bilan chiffré remis en question
Un bilan chiffré plutôt positif qui ne signifie pas pour autant que l'argent ait été bien versé. "C'est du maquillage, s'insurge ainsi Pascal Gruselle, délégué aux affaires européennes à l'Association des régions de France (ARF). Ce qui compte ce ne sont pas les engagements de l'Etat mais ses paiements réels." Selon le responsable de l'ARF, les écarts constatés sont importants et vont jusqu'à douze points, "cela traduit le désengagement de l'Etat". Et parmi les domaines les plus touchés par ces coupes budgétaires : les infrastructures, la recherche et l'innovation. "C'est un problème auquel ont été confrontées toutes les régions", constate Amaury Brandalise, délégué régional en charge du plan, de la prospective et de l'évaluation au conseil régional d'Aquitaine. Dans sa région, le gel des crédits de l'Etat a fortement perturbé l'exécution de la contractualisation, notamment sur les infrastructures : seule la moitié du volet routier était exécutée en octobre 2006. Pour la région Lorraine, les retards de paiements ont également concerné le volet routier. "C'est la région qui met alors la main à la poche pour solder les opérations programmées", explique Maëlenn Le Diagon, directrice de l'évaluation et de la qualité au conseil régional de Lorraine. Les conséquences de ce gel sont différentes en fonction des régions et des thèmes des projets. "Dans le meilleur des cas, les projets sont différés en terme de réalisation ou ils basculent sur les contrats de projets 2007-2013, explique Pascal Gruselle, dans le pire des cas, ils passent à la trappe !" Des coûts supplémentaires viennent aussi parfois s'ajouter à l'addition, comme des pénalités de retard, dues à l'allongement des travaux ou à l'arrêt des chantiers, que les régions tentent d'éviter en avançant les sommes promises par l'Etat. La région Aquitaine a ainsi fait une avance de trésorerie de 18 millions d'euros à l'Etat en 2003 pour le volet routier.
"Le CPER reste un outil indispensable pour la gestion des territoires"
D'après Pascal Gruselle, le volet territorial est un autre exemple du désengagement de l'Etat. "Le gouvernement actuel, comme le précédent, n'en veut pas pour des raisons budgétaires, assure-t-il, il laisse le soin aux territoires de financer leur cohésion et se focalise quant à lui sur l'innovation et la compétitivité." Résultats : certaines régions, comme les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Alsace, ont décidé de négocier leur volet territorial sans l'Etat. D'autres encore, comme la Lorraine, lancent des projets hors CPER. Pour la nouvelle génération de contrats de projets sur la période 2007-2013, les acteurs du développement local s'attendent au même phénomène de gel des crédits. D'après eux, il n'est pas encore perceptible. "On en est encore à la phase d'étude qui est peu onéreuse ; le manque d'argent public se fera ressentir vers 2009-2010 où commencera la réalisation des projets", affirme Amaury Brandalise. Si les chiffres de la Diact sont contestés, l'utilité des contrats de projets n'est en revanche pas remise en cause. "C'est un outil intéressant qui permet de mettre en commun des financements existants sur des problématiques choisies par tous", insiste Maëlenn Le Diagon. Un outil "indispensable pour la gestion des territoires", d'après Amaury Brandalise, avec un "effet levier très important" qui permet de démultiplier les fonds pour un investissement finalement faible de l'Etat : 15 à 20% seulement de ses investissements civils. "Sur le fond, en tant qu'élus, nous n'avons pas de critiques majeures, reconnaît Pascal Gruselle, beaucoup de projets sont réalisés grâce aux CPER."
Emilie Zapalski
"Il ne faut pas baisser la garde !"
Philippe Duron est à la fois président de la région Basse-Normandie et président de la commission "Contractualisation" de l'Association des régions de France.
Localtis : Quel bilan tirez-vous des contrats de plan 2000-2006 ?
Philippe Duron : Ce qui est frappant c'est le niveau d'engagement de l'Etat qui est de plus en plus faible et le taux de réalisation qui n'est pas suffisant. Sur la période 2000-2006, une partie du volet infrastructures a été repris par l'Agence pour le financement des infrastructures de transport (Afit), mais c'est un fusil à un coup : après 2008, l'Afit n'aura plus les moyens de financer les contrats de projets ! D'autre part, les projets qui n'ont pas été engagés lors des contrats de plan 2000-2006, s'ils ne sont pas routiers, sont perdus.
Quelles sont les conséquences de ce faible taux de crédits ?
Il risque d'entraîner le décrochage des territoires les plus fragiles, notamment les territoires ruraux. Si le niveau d'équipement et de services n'est pas à la hauteur, les jeunes sont tentés de partir s'installer ailleurs. Heureusement, l'Europe prend le relais. Elle fait même plus que l'Etat en matière de financement du développement des territoires.
Dans quel état d'esprit envisagez-vous les contrats de projets 2007-2013 ?
Certaines demandes de l'ARF ont été satisfaites, comme le calage des CPER sur les programmes européens. Mais des thématiques ont disparu, comme les routes et le tourisme, et cela risque d'être problématique. Cela dit, les régions restent très attachées à la contractualisation : c'est un excellent exercice d'analyse des besoins des territoires. Il faut juste être prudent et ne pas baisser la garde !
Propos recueillis par E.Z.
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