Le président Nicolas Sarkozy avait invité, le 20 octobre dernier, plus de 700 acteurs de l'économie numérique pour présenter son plan TIC pour la France à l'horizon 2012. La crise financière internationale a privé le président d'annoncer lui-même les mesures phares d'un catalogue qui en compte plus de 150. C'est finalement Eric Besson, le secrétaire d'Etat chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, qui a exposé le plan, le matin, à l'Elysée, devant les entrepreneurs TIC, puis l'après-midi, à son ministère, devant la presse.
Droit opposable à l'internet haut débit
"Le développement des réseaux sur tout le territoire est la pierre angulaire de ce plan. La couverture des territoires est un engagement démocratique car l'internet haut débit est désormais une commodité au même titre que l'eau ou l'électricité", a insisté le secrétaire d'Etat. Dans cette longue liste d'actions hétéroclites, plus du tiers concernent donc logiquement les infrastructures, que ce soit pour la fibre optique (action n°12), la téléphonie mobile, la télévision numérique terrestre (TNT) ou le dividende numérique. "Dans notre consultation des acteurs TIC, nous avons entendu un discours constant : donnez-nous des plateformes technologiques de qualité, comme dans la Silicon Valley ou en Corée, et nous nous chargerons de développer des services et des contenus !", a justifié le secrétaire d'Etat. Un appel à candidatures sera donc lancé au premier semestre 2009 pour que chaque Français dispose d'un droit "opposable" pour bénéficier d'un accès à internet haut débit (512 Kbit/s minimum, donc de l'ADSL), à compter du 1er janvier 2010 et à un tarif "abordable", inférieur à 35 euros par mois, "matériel compris" (action 1). Près de 2% de la population, soit entre un et deux millions de Français, en demeurent encore exclus. Les candidats se verront décerner un label "opérateur universel haut débit". "Cet appel à candidatures sera décliné au niveau local, pour permettre aux collectivités locales qui le souhaitent et à leurs délégataires de se positionner", précise le plan.
Réseaux ouverts d'initiative publique
Les décrets d'application de la loi de modernisation de l'économie concernant le droit d'information des collectivités sur l'implantation des réseaux et la publication de carte de couverture par les opérateurs devraient être publiés avant la fin de l'année 2008 (action 2 et 3). La simplification de la réglementation technique pour la pose de fibre sur les réseaux aériens et souterrains (action 14 et 16) et l'appui sur les structures intercommunales (action 15) sont également au programme pour accélérer le déploiement. Pour conforter l'implication des collectivités dans l'investissement des réseaux ouverts d'initiative publique, des instances régionales de concertation sur l'aménagement numérique des territoires, rassemblant les différentes collectivités et co-animées par les services de l'Etat, seront mises en places (action 4). La Caisse des Dépôts se voit confier un mandat pour accompagner financièrement les collectivités territoriales dans la définition de leurs schémas directeurs pour l'aménagement numérique de leur territoire, en particulier pour le passage du haut débit au très haut débit, en coordination avec la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact) et le point d'appui national "Aménagement numérique des territoires" du ministère de l'Ecologie. Enfin, une étude sera menée d'ici au premier trimestre 2009 pour définir les conditions d'une intervention des collectivités locales comme investisseurs minoritaires dans des réseaux ouverts. "Cette nouvelle option donnée aux collectivités serait susceptible de constituer une flexibilité supplémentaire au profit de l'aménagement numérique des territoires, à côté des dispositif existants tels que les DSP (délégation de service public) ou les PPP (partenariat public-privé)", explique le plan.
"L'essentiel du plan annoncé ne trouvera un début de réalisation qu'avec le soutien des régions, départements, communes ! Pourtant, les collectivités sont invitées à mettre la main à la poche sans négociation préalable ni contrepartie sérieuse", a déjà réagi Christian Paul, animateur du groupe TIC pour l'Association des régions de France.
Accompagner les écoles et les seniors
Concernant le dividende numérique, une partie des fréquences libérées par l'extinction de la télévision analogique d'ici fin novembre 2011 (l'Alsace sera la première région arrêtée fin 2009) sera bien allouée à l'accès internet haut débit. La procédure d'attribution de ces fréquences basses, très convoitées car elles se propagent plus loin que les fréquences hautes, sera lancée en 2009.
Selon un rapport de Bercy, l'Etat pourrait retirer plus de 1,4 milliard d'euros de la revente de licences grâce au dividende numérique. Une partie de ce budget devrait être affectée au financement du plan, notamment dans sa dimension "d'accompagnement social pour réduire la fracture numérique", a précisé Eric Besson. Ainsi, des "ambassadeurs du numérique" sont prévus dans les PME (actions 104 et 105) en lien avec les CCI afin de favoriser l'acculturation des "publics sensibles" - personnes âgées (action 27), personnes handicapées (action 28), personnes à mobilité réduite - notamment vers la TNT (action 18).
Par ailleurs, 1.000 "espaces publics numériques de nouvelle génération" (action 26) seront créés notamment en lien avec les relais de services publics. Enfin, 400 "cyberbases" ouvertes aux élèves et à leurs parents sont prévues dans les écoles primaires sur cinq ans, de même que le développement des classes numériques (action 92) avec des tableaux blancs interactifs pour la visioconférence et l'apprentissage précoce des langues étrangères. Les classes pourraient notamment bénéficier des mesures de reconditionnement d'ordinateurs anciens mis à disposition par les grandes entreprises ou les administrations, dans le cadre de l'opération Ordi 2.0 via un portail collaboratif (action 24). "Car le taux d'équipement de l'enseignement en France n'est que de 8 ordinateurs pour 100 élèves, loin derrière d'autres pays européens comme la Grande-Bretagne (16/100), l'Allemagne (11/100), la Norvège (18/100), le Danemark (19/100), la Suède (15/100), ou la Finlande (13/100)", a regretté le secrétaire d'Etat.
"La révolution numérique ne commence pas avec ce plan et ne se terminera pas avec lui. Les mesures présentées sont pour certaines d'entre elles déjà en cours et seront mises rapidement en chantier pour les autres", a conclu Eric Besson.
Luc Derriano / EVS
Conseil national du numérique
La liste des actions serait encore longue : assurer le passage au tout numérique outre-mer (action 29 et 30), créer un portail unique d'accès aux données publiques (action 39), améliorer l'usage du numérique dans les bibliothèques publiques (action 55), favoriser le développement des "serious games" et du Web 2.0 au sein de la commande publique (action 62), faire émerger mi-2009 une carte ville générique sur téléphone mobile (action 70), développer le télétravail dans le secteur public (action 114), faciliter l'accès des PME innovantes aux marchés publics (action 138), etc. Pour y parvenir, l'Etat a bien conscience qu'il doit réorganiser toutes les instances s'occupant du numérique. Il devrait notamment créer un nouveau "Conseil national du numérique", comme le préconisait le rapport Attali, en fusionnant diverses instances dont le Forum des droits de l'internet où les collectivités se sont investies (action 145). Pour développer l'efficacité globale des systèmes d'information publics, une instance réunissant les directeurs des systèmes d'information de l'Etat pourrait même être créée "afin d'examiner les orientations stratégiques transverses, les sujets d'intérêt commun (notamment en matière de ressources humaines) et les synergies qui pourraient dégager des économies pour chacun des ministères" (action 147). Les collectivités locales pourraient être associées à ce processus. Cette proposition attend d'ailleurs dans les tiroirs depuis le plan d'action gouvernemental pour la société de l'information (Pagsi) du gouvernement de Lionel Jospin, il y a plus de dix ans.
L.D. / EVS
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