attention ne pas garder trop de voile

Publi le26 novembre 2019par Frdric Fortin / MCM Presse pour Localtis Scurit Quil semble loin le temps o la rsurgence des polices municipales, au dbut des annes 1980, "suscitait bien des controverses"! Avec prs de 23.000 agents (auxquels il faut ajouter environ 800 gardes champtres et 7.000 ASVP), leur rle "nest plus vraiment contest", souligne


Qu’il semble loin le temps où la résurgence des polices municipales, au début des années 1980, "suscitait bien des controverses" ! Avec près de 23.000 agents (auxquels il faut ajouter environ 800 gardes champêtres et 7.000 ASVP), leur rôle "n’est plus vraiment contesté", souligne l’étude consacrée aux polices municipales des plus grandes villes de France que vient de publier l’Institut Paris Région. Et ce "même au sein des forces de police et gendarmerie nationales", et même à Paris, où la maire, "longtemps hostile à cette éventualité", a annoncé au début de l’année sa décision de mettre en place une telle police (*). C’est dire ! Mais son projet vient d'être contrarié par un vote des députés dans le cadre du projet de loi Engagement et proximité (voir encadré ci-dessous).

95,2% des villes de plus de 50.000 habitants en sont aujourd’hui dotées. Hormis Paris, ne manquent que 6 villes à l’appel (**), où "la posture" de refuser de se doter d'un service labellisé "police" cache souvent le fait que "d’autres personnels municipaux […] sont employés pour prendre en charge des tâches similaires à celles que les policiers municipaux assurent dans d’autres villes"… Et la tendance s’accélère : "les maires s’investissement toujours plus sur le terrain de la tranquillité face à ce qu’ils perçoivent comme un désengagement des services policiers de l’État". Les textes ont étendu leurs prérogatives et le phénomène terroriste les a pleinement légitimées, à tel point que pour l'ancien préfet délégué aux coopérations de sécurité, "aujourd’hui, la police du quotidien, dans les grandes métropoles, ce sont les polices municipales". Municipales car si, avec "la montée en puissance des métropoles et les possibilités juridiques d’intercommunalisation des polices municipales, la donne pourrait pourtant être différente […], les maires gardent directement la main".

Des effectifs en pleine croissance, un "marché" en surchauffe

L’étude se focalise sur les services des dix plus grandes villes de France (hors Paris), qui ne sont pas nécessairement celles disposant des plus grands services (Cannes, Nîmes et Perpignan disposent ainsi respectivement des 5e, 7e et 10e forces de police municipale alors qu’elles ne sont qu’au 69e, 19e et 30e rang des villes les plus peuplées). Si les ratios varient quasiment du simple au double - 3,47 policiers municipaux pour 10.000 habitants à Rennes contre 16,05 à Nice, la valeur moyenne se situant à 6,42 (***) -, "les recrutements ont été particulièrement importants lors du mandat en cours (2014-2020)". Et le phénomène ne semble pas prêt de se tarir, les responsables interrogés étant "nombreux à déplorer des insuffisances d’effectifs". En cause notamment, "le virage de la police de proximité, la présence prolongée sur le terrain et les missions d’îlotage exigeant un volume important d’agents". Mais "c’est ce qui marche encore le mieux", estime le délégué général à la sécurité de la ville de Marseille. Conséquence : des difficultés de recrutement sur "un véritable marché des polices municipales". Pour attirer des policiers "qui deviennent des mercenaires quasiment", primes et indemnités constituent un levier privilégié, dans des proportions qui ne sont pas sans inquiéter : "beaucoup de communes payent des astreintes que les gens ne font pas, des heures supplémentaires que les gens ne font pas", déplore le directeur de la police municipale de Lyon, qui plaide pour une unification du régime indemnitaire et se félicite que la Cour des comptes se penche sur le sujet. Autre levier, l’armement, dont l’absence constitue un frein au recrutement, parfois dirimant.
Dans ces villes, les effectifs sont en revanche tous "très majoritairement composés de policiers municipaux", "par contraste avec certains services de moindre envergure où les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) peuvent être aussi nombreux voire plus que les policiers municipaux". Ce qui ne les empêche pas de compter aussi personnels administratifs, agents techniques, vacataires, sans parler des sous-traitants (dispositifs de médiation sociale, agents de sécurité privée). En revanche, les organisations et les missions diffèrent : chez certaines, les ASVP sont dissociés du service de police municipale quand ils sont intégrés dans d’autres, où ils peuvent être chargés de visionner les images des caméras quand ailleurs cette tâche est exclusivement confiée à des policiers municipaux.

Tendance à l’élévation globale du niveau d’équipement

L’armement des polices municipales se banalise, quelle que soit la taille des services ou l’affiliation politique des maires. Les bâtons de défense et les bombes lacrymogènes se sont généralisés ; le gilet pare-balles fait de même. À Marseille, on tente même de mettre au point un modèle capable d’arrêter les munitions de la kalachnikov "parce que cette arme circule énormément".
Même la question du port d’arme à feu est de moins en moins clivante : plus de 53% des policiers municipaux sont aujourd’hui équipés. L’État y encourage, et l’attentat qui a pris pour cible une policière municipale à Montrouge a contribué à faire basculer les indécis, voire même certains opposants. Des villes (Bordeaux, Nantes, Lille et Rennes) résistent au mouvement. Certaines (Bordeaux, bientôt Nantes) ont cependant concédé l’acquisition d’armes de dégagement (pistolets à impulsion électrique principalement). Casques et boucliers de protection se diffusent également, que l’on réserve toutefois à des situations exceptionnelles "pour dissiper les malentendus de positionnement". "Un engouement certain pour les caméras-piétons" est également observé, et plus généralement une tendance "à la technicisation" : systèmes de radiocommunication numérique avec géolocalisation des terminaux, boitiers de verbalisation et éthylotests électroniques, cinénomètres laser, etc. Côté matériels roulants, la dotation est large, du camion aménagé en poste mobile au gyropode. Mais on souligne "qu’il importe de sortir des voitures pour s’imprégner du terrain et se rendre accessible au public". 

La proximité avant tout

S’il n’existe pas de doctrine d’emploi commune – ce qui apparaît cohérent pour des polices locales même si un responsable interrogé le déplore, "parce qu’il y a des maires qui sont allés beaucoup trop loin" – l’étude décèle "une même orientation", au moins dans les discours : "celle d’une police intégrée dans la localité, proche de la population, prompte à traiter les problèmes des gens". Dans le viseur, la lutte contre les incivilités, les dégradations, la petite et moyenne délinquance de voie publique, en occupant le terrain et en répondant aux requêtes des administrés, avec une volonté marquée de mettre en avant la dimension préventive. Un périmètre à la fois "imposé", puisque "pour partie délaissé par les forces de l’État", et souhaité, parce que permettant "de se départir de l’étiquette de 'sous-police' pour définir une identité positive, un rôle spécifique au travers d’une approche que les forces étatiques échouent manifestement à se réapproprier".
L’étude relève toutefois que "sans dispositif opérationnel adapté et surtout sans l’adhésion des agents de la base, la portée de ces doctrines peut s’avérer des plus limitées". Ainsi, "entre les discours et la pratique, les écarts peuvent être grands", dénotant "une difficulté certaine à s’affranchir du modèle policier dominant". Par ailleurs, au-delà de l’interprétation politique, le registre d’interventions varie beaucoup en fonction des effectifs : seuls des effectifs importants permettent "un modèle plus offensif". 

Une "coproduction de sécurité" imposée et déséquilibrée

Si la "coproduction de sécurité" est une notion en vogue, elle n’est pour la plupart des responsables interrogés que la traduction d’un "transfert de charges", d’un désengagement de l’État. Ce dernier ne renonce pas pour autant à ses "velléités de sujétion" : "le positionnement partenarial est à surveiller comme du lait sur le feu", juge le directeur de la police municipale de Montpellier, "les services de l’État étant naturellement tentés d’utiliser la police municipale comme une force d’appoint". Et même en cas de liens forts, certains veillent à refuser les opérations conjointes : "On doit être complémentaire mais on ne doit pas remplacer l’État", considère le chef de la police municipale de Strasbourg. Ainsi, si les polices municipales "s’acheminent vers un modèle plus interventionniste et répressif", l’étude souligne la nécessité pour elles de "travailler leur ancrage dans le territoire, leur insertion partenariale et leurs liens avec les publics", et en premier lieu les habitants. À Nice, on "met également garde contre les logiques d’imitation et les glissements de missions qui portent en germe le risque d’une submersion par les procédures au détriment de l’occupation du terrain"…
 

 (*) Le rapport souligne toutefois qu’il ne s’agit pas d’une création ex nihilo, mais d’une refonte de l’actuelle direction de la prévention, de la sécurité et de protection, en fusionnant les inspecteurs de sécurité et les agents de surveillance de Paris dans un corps unique de policiers municipaux. L’objectif est d’uniformiser leur statut, d’homogénéiser leurs compétences d’attribution et, notamment, de tous les investir de la qualité d’agent de police judiciaire adjoint.
(**) Deux du Finistère (Brest et Quimper), trois du Val-de-Marne (Créteil, Champigny-sur-Marne et Ivry-sur-Seine), et Issy-les-Moulineaux (Hautes-de-Seine).
(***) 75% des services de police municipale répertoriés en France en 2017 comptent 5 agents au plus.
 

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