Certes, le rapport sur "la politique de la ville et la rénovation urbaine" publié par le groupe UMP de l'Assemblée nationale ce mercredi 13 octobre a un arrière-goût de déjà-lu. Il faut dire que le principal rédacteur du texte, Gérard Hamel, maire de Dreux et président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), avait, il y a tout juste un an, rendu public avec Pierre André un rapport qui n'était pas passé inaperçu : les deux parlementaires plaidaient notamment pour une suppression des zonages et un recours à la contractualisation systématique entre les villes et l'Etat. Un an plus tard, la situation a peu changé : lors de l'installation du Conseil national des villes, le 26 mai dernier, François Fillon annonçait que la réforme de la géographie prioritaire ne se ferait pas avant la fin 2011 et plus probablement en 2012 (voir notre article ci-contre). En l'absence d'éléments nouveaux, Gérard Hamel reprend donc, en les précisant, un grand nombre de ses propositions de l'an dernier. La nouveauté en cet automne 2010, c'est que le maire de Dreux a réussi à les faire approuver par l'ensemble du groupe UMP, en premier lieu par Jean-François Copé. Autre nouveauté : les députés UMP se prononcent pour un Anru II et "soulèvent" la question de la création d'un ministère de la Politique de la ville. La question est en effet d'actualité en cette période de remaniement.
Supprimer les zonages, passer des contrats avec les collectivités
Le rapport part d'un constat largement partagé. La multiplicité des différents zonages (ZUS, ZFU, ZRU, Cucs, quartiers espoir banlieue) et leur absence de coïncidence rendent très complexe la conduite de politiques coordonnées sur un territoire en difficulté. Ainsi, "les résultats nuancés de la politique de la ville peuvent en partie s'expliquer par le caractère zoné des interventions qui ne facilite pas pleinement l'insertion des quartiers dans la ville, ni le développement de partenariats locaux". De plus, si dans les contrats de cohésion sociale (Cucs) les collectivités s'engagent, les députés UMP pointent la "faiblesse des contreparties exigées des collectivités en termes de moyens et de mise en cohérence de leurs actions dans les ZUS, les ZFU, et les ZRU". Pour rendre plus efficaces les politiques en direction des quartiers défavorisés, le rapport préconise donc le recours à des contrats de six ans, synchronisés avec le renouvellement des équipes municipales. Et à l'échelle de la ville, non plus du quartier. Les élus de droite souhaitent expérimenter ces contrats jusqu'en 2014, avant de les mettre véritablement en place lors des prochaines municipales. Avec pour objectif de supprimer complètement les zonages actuels.
Au niveau de la ville ou de l'intercommunalité ?
Gérard Hamel souhaite donc transposer le modèle des projets de rénovation urbaine sur le champ social. Sans préciser pour l'instant s'il faudrait que l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) se charge de la sélection des projets, ou si les ministères suffiraient. L'essentiel est qu'un principe guide la politique de la ville : "D'abord rechercher des financements locaux, puis, si nécessaire, mettre en oeuvre des politiques de droit commun, et enfin, en dernier recours, mettre des actions spécifiques au titre de la solidarité nationale." Bref, il faut "davantage responsabiliser les acteurs locaux" : "Le maire devra être placé au coeur du dispositif." Prudent, Gérard Hamel ne se prononce cependant pas catégoriquement sur le niveau de collectivité avec lequel il faudra contractualiser. Mais Jean-François Copé "ne comprend pas" pourquoi des communautés d'agglomération de la taille de Bordeaux ou Marseille ne trouvent pas d'argent pour aider leurs quartiers pauvres. La suppression des zonages ne doit pas conduire à l'exclusion de quartiers actuellement en ZUS du futur dispositif, a souligné Gérard Hamel. Les aides devraient seulement être modulées en fonction du potentiel fiscal de chaque commune.
Pour un PNRU II
Que le président de l'Anru plaide pour un second programme national de rénovation urbaine (PNRU II) n'est pas franchement une surprise. Mais le rapport évalue les moyens nécessaires pour la période 2012-2025 : entre 6 et 10 milliards d'euros. Comment trouver de telles sommes ? "Si le maintien d'un financement public demeure incontournable […], de nouvelles formes de financements complémentaires privés pourraient être envisagées." Des entreprises privées pourraient être invitées à investir à condition que "l'Etat prévoie des dispositifs innovants de garantie des risques". Quant au 1%, qui a dit hier son peu d'enthousiasme à financer sous forme de subventions l'Anru et l'Anah (voir notre article ci-contre), "il pourrait être incité à emprunter davantage sur le long terme" pour financer la rénovation urbaine. Dernier point à retenir, les futurs projets Anru II n'auraient plus pour échelle le quartier mais "devraient s'inscrire dans une vision territoriale plus large, par exemple à l'échelle de l'agglomération".
Hélène Lemesle
Les quartiers défavorisés, des "ghettos inavoués" ?
La réunion du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale - prévue ce jeudi matin afin d'examiner un autre rapport, celui de François Goulard (UMP) et François Pupponi (SRC) sur l’évaluation de la politique publique menée en faveur des quartiers défavorisés - a été annulée d'un commun accord et reportée à la semaine prochaine.
Réalisé par huit députés dans le cadre d'une mission confiée par le comité, le prérapport n'a pas été divulgué. Son titre évocateur - "Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante" - laisse toutefois présager un jugement sévère de la politique menée dans les quartiers dits "sensibles". Néanmoins, selon des éléments dévoilés par l'AFP, il dénoncerait, sans surprise, les grands maux de ces quartiers (pauvreté, chômage, accès aux soins…) demeurés à "des niveaux parfois très préoccupants" malgré les objectifs de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Une des recommandations dudit rapport serait de positionner le maire comme "clé de voûte d'une possible réussite de la politique de la ville" en lui permettant "à titre expérimental sur une base contractuelle et dans le cadre de la politique de la ville de signer les conventions d'emploi aidé en lieu et place de l'Etat, organiser l'emploi et l'implantation des forces de sécurité, affecter les effectifs de l'Education nationale". Une idée déjà soumise il y a quelques mois par François Goulard, lors d'un débat à l'Assemblée nationale en présence de Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, qui souhaitait que "l'on donne aux communes l'intégralité des moyens pour agir, pour que tout ne reste pas aux seules mains de l'Etat", citant l’exemple des Pays-Bas.
Sandrine Toussaint avec AFP
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