Les datacenters, catalyseur des nouveaux enjeux du numrique

Publi le4 juillet 2024parOlivier Devillers , pour Localtis Energie, Environnement, Numrique Jusqu' peu, les centres de donnes n'taient que rarement dans le spectre des stratgies numriques territoriales, essentiellement focalises sur les tuyaux. La prise de conscience des enjeux de souverainet, la crise nergtique, la multiplication des incidents cybers auxquelles s'ajoutent le dveloppement du pilotage par


Jusqu'à peu, les centres de données n'étaient que rarement dans le spectre des stratégies numériques territoriales, essentiellement focalisées sur les tuyaux. La prise de conscience des enjeux de souveraineté, la crise énergétique, la multiplication des incidents cybers auxquelles s'ajoutent le développement du pilotage par la donnée et de l'intelligence artificielle en font un sujet éminemment politique. C'est ce qu'a montré le webinaire organisé le 2 juillet 2024 par l'Avicca auquel participaient des acteurs de la filière et des collectivités.

Concentration en Île-de-France

Il y a tout d'abord la question de la souveraineté des données. Car la contrepartie des territoires connectés est le recours massif à l'informatique en nuage et aux applications hébergées. Or le cloud est dominé par les Gafam et les élus aspirent désormais à un hébergement français et si possible local des données. Le cloud de proximité ne relève cependant pas de l'évidence. Premier constat, selon les derniers chiffres du baromètre de France Data Center, l'Île-de-France concentre 86,2% de la puissance des serveurs installés en France, suivie par Paca (6%). En unités de datacenters "de colocation", les chiffres sont un peu meilleurs avec un gros tiers des datacenters en Île-de-France, suivi par Auvergne-Rhône-Alpes (11,9%) et enfin Paca (8,8%).

Centre de données public

Ce manque d'offre a du reste incité une structure comme Manche numérique à se doter dès 2010 d'un centre de données mutualisé entre le département, les EPCI et les communes. Avec pour défi d'offrir un service de qualité, car, explique Jérôme Lamache directeur des services de Manche numérique, "le métier ne s'improvise pas, il faut tenir compte de multiples contraintes : sécurité incendie, stabilité électrique, disponibilité, redondances…". Et avec le temps, ces contraintes n'ont cessé de s'empiler : normes SecNumCloud pour l'hébergement de données sensibles, cybersécurité, numérique responsable... Du reste, la stratégie de la structure est désormais régionale, "la question du bon niveau pour agir est essentielle quand on veut se lancer dans ce type de projet", souligne l'expert. Elle impose notamment de se tenir informé des dernières évolutions techniques, ce qui a conduit l'association Déclic, qui fédère 70 structures de mutualisation dont plusieurs ont un centre de donnée (départements 33, 40, 50, 60, 80, 78, …), à créer un groupe de travail dédié au sujet. 

Explosion de la facture environnementale avec l'IA

Parmi les sujets montants, l'impact écologique de ces nouvelles infrastructures. Car avec les terminaux, les datacenters ont une lourde responsabilité dans la croissance de l'empreinte environnementale du numérique. S'ils ne consomment aujourd'hui "que" 2% de la consommation énergétique nationale, l'addition pourrait exploser sous l'impact de l'intelligence artificielle, et notamment de l'IA générative. Celle-ci pourrait représenter la consommation énergétique de la Belgique / Norvège dès 2027 soit 85 à 134 Térawatts/h. "Dans cette consommation, il faut cependant distinguer l'entraînement des IA des usages des utilisateurs", précise Gregory Lebourg, chargé des programmes environnementaux chez OVH, entreprise qui développe notamment le cloud computing. Car un "prompt" (une invite) sur ChatGPT pèse 2,9 watts contre 0,3 watt pour une requête sur Google. Selon une autre étude, un prompt ChatGPT représenterait 0,5 litre d'eau et, au total, l'IA pourrait consommer de 4 à 6 milliards de mètres cubes d'eau en 2027.

Des solutions de verdissement

Cette préoccupation environnementale commence à être intégrée par les équipementiers. C'est en tout cas le message qu'ont voulu faire passer France Data center et Infranum, deux associations qui planchent sur ce sujet. Matériaux utilisés, techniques de refroidissement, pilotage des consommations, alimentation électrique… les deux associations ont publié des guides pour éclairer les porteurs de projet. OVH privilégie par exemple l'installation de datacenters sur des friches industrielles et récupère un tiers des composants de machines sélectionnées pour leur durabilité. Une autre piste est de récupérer la chaleur des datacenters pour du chauffage, mais la faisabilité technique et/ou l'équilibre économique des systèmes actuels font encore débat. Selon France Data center, les bonnes pratiques commencent à se diffuser avec l'adoption de l'autoconsommation, du monitoring des consommations ou de nouvelles solutions de refroidissement. Mais avec des taux d'adoption qui ne dépassent pas 40%, la marge de progression reste importante.

Marseille délibère

Tous ces éléments, ajoutés à une installation de gros datacenters sur le port de Marseille dans un contexte de tension foncière a conduit la ville de Marseille à délibérer en décembre 2023. "Ce que nous avons constaté, c'est que les avantages des datacenters étaient plus importants à l'échelle nationale que locale", résume Christophe Hugon, l'élu municipal qui a suivi ce dossier. La ville soumet désormais les projets des industriels à une grille d'analyse qui intègre l'environnement, l'architecture, la gestion des risques, l'impact sur l'emploi ou encore le dialogue avec les riverains. Et face à la saturation du port – notamment du fait d'un goulet d'étranglement électrique – la municipalité pousse des installations en périphérie, notamment sur des friches industrielles. Selon l'élu municipal, la démarche marseillaise fait des émules dans d'autres territoires.

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