Le ministère de la Culture met en consultation le projet de décret relatif au "permis de faire" ou "permis d'expérimenter". L'article 88 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine - ou loi LCAP (voir notre article ci-dessous du 12 juillet 2016) - prévoit en effet, à titre expérimental, que l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes HLM, les SEM ou les SPL peuvent "pour la réalisation d'équipements publics et de logements sociaux, déroger à certaines règles en vigueur en matière de construction, dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles". Une expérimentation de longue durée - eu égard à celle des chantiers -, puisqu'elle est prévue pour s'étendre sur sept années.
A quelles règles peut-on déroger ?
Le projet de décret indique que, pour entrer dans le cadre de la dérogation, le projet de construction doit porter sur la réalisation d'équipements publics ou de logements sociaux pour au moins 75% de sa surface de plancher. Il précise surtout les règles du code de la construction et de l'habitation (CCH) auxquelles il peut être dérogé. Celles-ci concernent tout ou partie des dispositions applicables au réemploi de matériaux provenant de déchets issus de la démolition de certaines catégories de bâtiments, à la performance et aux caractéristiques énergétiques et environnementales, aux caractéristiques acoustiques, à la sécurité et la protection des immeubles, ainsi qu'à l'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite (ce qui ne devrait pas manquer de faire réagir les associations). Entrent également dans le périmètre de la dérogation expérimentale les normes produites sous l'égide de l'Afnor en matière de construction.
Déroger oui, mais sous réserve de faire aussi bien...
L'article le plus volumineux du projet de décret concerne toutefois la fixation des "résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles" prévus par l'article 88 de la loi LCAP. Ces dispositions devraient être les plus discutées lors de la phase de consultation. Tout est en effet une question d'équilibre entre la possibilité de déroger aux règles actuelles et la nature des objectifs à atteindre. Et, sur ce point, certaines dispositions du projet de texte donnent un peu l'impression d'entrer à reculons dans l'expérimentation. Certains objectifs - par exemple sur l'accessibilité des locaux - semblent en effet tels que seule l'application des règles actuelles, ou de leur équivalent à peu de choses près, paraît susceptible de les atteindre.
La demande d'expérimentation s'adresse aux ministres de la Culture et du Logement
Le projet de décret précise également les démarches à effectuer pour entrer dans le cadre de l'expérimentation du "permis de faire". En l'occurrence, la demande est à adresser par le maître d'ouvrage aux ministres chargés de la culture et du logement. Elle repose sur un dossier comprenant notamment une notice explicative sur les règles auxquelles le demandeur entend déroger, ainsi qu'une analyse du caractère expérimental du projet architectural et de la possibilité de réutiliser le dispositif proposé et "une évaluation préalable démontrant que la solution proposée permet d'atteindre des résultats similaires à ceux qui résulteraient de la règle objet de la demande de dérogation".
Ce respect de l'atteinte des "résultats similaires" doit être prouvé par "une analyse effectuée par une tierce partie indépendante de la conception du projet et ayant signé une convention avec l'Etat, attestant de l'équivalence de résultats entre la solution alternative proposée et la réglementation objet de la dérogation". Au final, le dossier s'avère relativement lourd, avec des frais externes inévitables et non négligeables, avant que la dérogation soit éventuellement accordée.
Des experts et trois critères
La décision d'éligibilité du projet est prise par les deux ministres concernés, au vu du contenu du dossier, mais aussi "de l'avis de personnalités qualifiées dans les domaines scientifiques et techniques concernés par les demandes de dérogation qu'ils désignent aux fins d'expertise".
La décision doit aussi prendre en compte trois critères cumulatifs : le caractère innovant du projet du point de vue de la conception architecturale ou technique et la possibilité de répliquer le dispositif proposé sur d'autres bâtiments ; l'innovation normative permettant de respecter les objectifs des réglementations en vigueur dans la construction ; la maîtrise des coûts dans la construction. Le silence gardé par les ministres pendant une durée de six mois à compter de la réception du dossier complet vaut éligibilité du projet.
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