La discussion des lois de finances par le Parlement cet automne a été le théâtre, jusqu'au bout, de l'antagonisme entre défenseurs du monde urbain et ceux de la ruralité. Les premières scènes de cet affrontement se sont déroulées à l'Assemblée nationale lors de la discussion sur les dotations et sur la péréquation dans le cadre du projet de loi de finances. Chaque camp a sorti ses amendements. Les élus ruraux pour obtenir une montée en puissance plus rapide du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), ou pour obtenir en faveur de leurs collectivités des dotations par habitant égales à celles des villes. Ils ont échoué. Les élus urbains ont obtenu une conception de l'écrêtement de la part garantie de la dotation forfaitaire qui leur est moins défavorable que par le passé. Mais sur le Fpic, leurs amendements ont été rejetés à l'appel du gouvernement et du rapporteur spécial. Sur ce dispositif qui déchaîne les passions depuis que le débat sur sa mise en place a commencé en 2011, le gouvernement a adopté une voie qui est médiane. Cette position aurait pu satisfaire à la fois les élus des champs et ceux des villes. D'une part, l'objectif d'un montant de 360 millions d'euros en 2013 est respecté et, d'autre part, le coefficient logarithmique qui fonctionne comme un critère de charge (en faveur des villes) est conservé.
Dans la dernière ligne droite de l'examen parlementaire, dans la semaine du 17 décembre, la guerre a été rallumée. Le détonateur a, cette fois, été la péréquation départementale. A la dernière minute, les députés ont voté une nouvelle modification des critères du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et ont imposé leurs vues sur la répartition des 170 millions d'euros du fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté. Le président du Sénat en tête, les sénateurs représentant les collectivités rurales sont montés au créneau pour dénoncer des modalités pénalisantes pour leurs territoires. Le Premier ministre a dû intervenir aussitôt et promettre un réexamen des critères de répartition de ces dispositifs de péréquation en 2013, lors de la discussion au cours du premier semestre 2013 du projet de loi relatif à la décentralisation. Les nouvelles modalités du calcul du potentiel financier qui seront en vigueur à compter de 2013 font également l'objet d'une polémique. L'Assemblée des départements de France (ADF) les trouve injustes et demande qu'elles soient réétudiées dans le cadre d'un groupe de travail.
Cri d'alarme des villes pauvres
Si la péréquation sème la discorde entre les élus locaux, selon le territoire géographique auquel ils appartiennent, le clivage divise aussi les collectivités défavorisées et celles qui ont moins de difficultés pour boucler leur budget. Les premières se sont fait entendre au cours de la discussion. Leur porte-voix avait pour nom Stéphane Gatignon. Au terme de sa grève de la faim, le maire de Sevran pouvait se féliciter d'avoir obtenu une augmentation de 25 millions d'euros de la dotation de développement urbain (DDU), qui s'ajoutera à l'augmentation de 120 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU) déjà prévue dans le projet de loi de finances.
Ces mesures répondaient à l'urgence. Le gouvernement envisage à plus long terme une réforme d'envergure de la péréquation afin de venir en aide aux villes pauvres. Il aura pour base de travail un rapport que François Pupponi, député-maire de Sarcelles, remettra fin janvier sur "les nouveaux outils de la péréquation horizontale".
Les élus locaux et nationaux n'ont donc pas fini de débattre des modalités de la péréquation, ce qui déplaira certainement au rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale. Récemment, Christian Eckert se plaignait du changement incessant des critères de la péréquation – alors même que, parfois, ces dispositifs n'ont pas encore été mis en œuvre, comme c'est le cas des fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Des solutions pour le financement des investissements locaux
Par son intensité, le débat sur la péréquation a fini par reléguer au second plan la préoccupation sur le financement des collectivités locales. Il faut dire cependant que sur ce front, les dernières nouvelles sont finalement plutôt rassurantes. Selon une étude réalisée conjointement par Public Finances et l'observatoire SFL-Forum pour la gestion des villes auprès de 55 grosses collectivités (régions, grandes villes, intercommunalités, départements), les deux tiers d'entre elles sont parvenues à maintenir un niveau d'investissement égal ou supérieur à 2011. 2012 se termine donc sur un bilan pas trop mauvais à ce sujet. Quant à 2013, l'inquiétude a diminué d'un cran depuis l'annonce, le 8 novembre, par le ministre de l'Economie, d'un plan comportant entre autres la création d'une "nouvelle banque des collectivités locales" s'appuyant sur "un consortium constitué par la Banque postale et la Caisse des Dépôts" (lire notre article du 9 novembre 2012 : "Financement des collectivités : le plan d'action en sept mesures de Pierre Moscovici"). A l'ouverture du congrès des maires de France, le feu vert que le président de la République a accordé à la création de l'agence de financement des collectivités locales si chère aux associations d'élus locaux, ainsi que l'annonce de nouveaux prêts pour les projets structurants des collectivités, a fini de ramener un minimum de quiétude chez les décideurs locaux.
Réforme de la fiscalité locale
Autre sujet devenu plus discret : le gel des dotations de l'Etat en 2013 et les deux réductions successives de 750 millions d'euros des dotations pour 2014 et 2015. Mais le sujet pourrait revenir rapidement au premier plan si le gouvernement décide d'une baisse plus brutale. Une orientation qui n'est pas impossible, compte tenu de la réduction de 10 milliards d'euros de dépenses publiques annoncée par le gouvernement pour financer le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et d'une croissance qui sera peut-être inférieure aux prévisions de Bercy (0,8% en 2013). Certains élus s'inquiètent déjà.
Qu'est-ce qui pourrait bien, dans ce sombre tableau, apporter une touche réjouissante ? Le processus de révision des valeurs locatives des locaux professionnels à compter de 2013 et celui qui pourrait commencer en 2015 ne donneront a priori pas une bouffée d'oxygène aux collectivités locales. La réforme aura pour but d'établir une plus grande justice fiscale entre les contribuables et se fera à produit constant, a déjà prévenu le gouvernement (lire notre article du 17 décembre 2012 : "Rejeté par le Sénat, le PLFR lance la révision des valeurs locatives des logements"). L'annonce faite récemment par le gouvernement d'une réforme fiscale dont les premières mesures figureraient dans le projet de loi de finances (lire notre article du 21 novembre 2012 : "Une réforme de la fiscalité locale en 2014") pourrait toutefois donner de nouvelles marges de manœuvre aux collectivités, en leur accordant une plus grande autonomie fiscale. Plus spécifiquement pour les départements, l'espoir viendra d'une solution de financement pour les allocations sociales qu'ils versent, laquelle pourrait faire l'objet d'une discussion dès le mois de janvier.
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