Jardins des plantes, jardin de la Terre, jardins suspendus, jardin des parfums : leurs noms aux accents romantiques les projettent hors du temps mais leurs racines s'ancrent pourtant bien dans un territoire et ses réalités. On dénombre en France une petite centaine de jardins botaniques, dont l'inventaire est en cours de réactualisation. Et 3.000 dans le monde. Point commun : leur discrétion n'a d'égal que leur luxuriance, si bien que les élus les connaissent rarement ou si peu. Sauf quand ils sont rattachés au service Espaces verts de la collectivité. C'est le cas de plusieurs d'entre eux.
S'ouvrir à la ville
Au septième congrès européen de ces jardins (EurogardVII), qui a réuni près de 300 participants du 6 au 10 juillet, ceux de Paris ont été présentés comme "un opérateur et accompagnateur de la politique municipale", participant à la revégétalisation de la ville à partir d'espèces de plantes provenant du bassin parisien. A Nantes aussi, le jardin botanique, parc à l'anglaise en plein cœur de ville, est un vecteur du lien à la nature et un facteur d'attractivité, difficile à ignorer dès lors qu'il attire plus d'un million de visiteurs par an. Pour la petite histoire, il fut créé comme tant d'autres par un apothicaire puis géré par le département, avant d'être transféré à la ville. Celui non moins spectaculaire de Nancy fut géré un temps par un syndicat mixte puis revint dans le giron des espaces verts de la ville. "Le plus vieux jardin botanique de France, celui de Montpellier - il a plus de quatre siècles ! - est rattaché à la faculté de médecine", raconte l'un de ses responsables. Et y en a-t-il de plus récents ? "Oui, les Jardins suspendus, au Havre. Chacun de ces lieux a en fait son histoire. Et des différences qui s'estompent derrière le respect d'un socle de règles et valeurs communes", complète-il.
Une charte de bonnes pratiques
Pour que ces établissements, grands ou petits, visibles ou discrets, publics ou privés, travaillent sur les mêmes bases scientifiques et techniques, une charte d'agrément existe. "Elle est pensée, animée par une association, les Jardins botaniques de France et des pays francophones, et délivrée à une vingtaine de jardins, une demi-douzaine étant dans l'attente", indique Maïté Delmas, salariée du Muséum national d'histoire naturelle de Paris et aux manettes de l'association. "Cette charte apporte de la crédibilité et précise les rôles et missions de ces jardins", poursuit Philippe Richard, directeur du jardin botanique de Bordeaux et pour sa part rattaché à la direction générale des services techniques de la ville. Vis-à-vis des élus et décideurs, elle peut être présentée comme un outil stratégique de développement, garantissant par exemple aux premiers un principe simple mais important, à savoir que ces lieux pour être agréés doivent être "ouverts au moins à temps partiel ou sur rendez-vous".
Un "label de terrain"
Outre des missions scientifiques et de conservation, ces jardins doivent "sensibiliser le public à la biodiversité", et "veiller à présenter des spécimens d'origine connue, de préférence sauvage, dont l'identification est validée scientifiquement". "Le grand public ne différencie plus forcément très bien une plante sauvage d'une plante cultivée, c'est important de revenir sur ces bases. Bien indiquer la provenance des plantes est aussi un critère pour cette charte, que nous améliorons de façon continue et qui se présente plutôt comme un label de terrain, avec un dispositif simple mais efficace de reconnaissance par les pairs et de parrainage pour candidater", précise Philippe Richard. Conçu par les principaux intéressés, il instaure donc des codes éthiques que les acteurs acceptent de voir appliquer à leurs activités. Et devient comme un vade-mecum à l'usage des responsables et gestionnaires de jardins botaniques. "Le tout fonctionne bien, l'agrément, dans notre cas, a rassuré les gestionnaires locaux", dit-on au jardin botanique de Caen. "Dans le privé aussi, cet outil fixe un cadre à nos actions d'acquisition, de sensibilisation, de conservation du monde végétal, source d'inspiration pour les experts botanistes et biologistes", estime Joël Klutsch pour le jardin botanique de la fondation Yves Rocher-La Gacilly.
Un cadre législatif renforcé
Entre eux ou à des fins scientifiques et pédagogiques, ces jardins échangent des graines ou du matériel végétal dans le monde entier. Celui de Montpellier affirme ainsi échanger "avec plus de 700 autres instituts similaires de par le monde". Des transferts qui vont être un peu plus surveillés qu'avant, à l'heure où se transpose le protocole de Nagoya. Cette transposition est en effet au cœur du titre IV du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, qui reviendra avant l'automne en séance publique au Sénat.
Ce titre IV introduit la reconnaissance de la souveraineté des pays sur leurs ressources, leur droit à protéger leur patrimoine, pour lutter notamment contre la biopiraterie. Lors de son examen fin juin en commission, l'impact qu'aura le texte sur l'utilisation de ressources en collection a fait débat et l'objet d'un amendement. Les gestionnaires de jardins botaniques ont conscience de l'enjeu, s'inquiètent de la surcharge de travail et des problèmes administratifs que cela peut générer, mais joueront le jeu car ils ne veulent absolument pas être assimilés à des "chasseurs de plantes". Historiquement, ces établissements sont d'ailleurs en bonne entente avec les douanes, auprès de qui ils récupèrent des plantes saisies, confisquées.
Réseau international d'échanges de plantes?
Mais la pression normative qui se prépare les enjoint de miser sur encore plus de transparence et de traçabilité. Ils s'y sont préparés en créant, sur un mode volontaire, un réseau international d'échange de plantes, l'Ipen (International plant exchange network), qui leur est réservé. Celui-ci rend possible le transfert, la mise à disposition "à des fins non commerciales" et vise à "créer un climat de confiance", en promettant "de partager les bénéfices avec les pays d'origine" de ces plantes échangées. "Nous avons une déontologie, il est bon de s'y tenir, de le faire savoir", conclut Philippe Richard.
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