Difficile de prétendre qu'il s'agit d'une surprise : dans sa décision QPC (question prioritaire de constitutionnalité) 2012-250 du 8 juin 2012, le Conseil constitutionnel censure la composition de la commission centrale d'aide sociale, chargée de se prononcer sur les contentieux relatifs à l'aide sociale. Plus précisément, le Conseil déclare contraire à la Constitution la présence, au sein de cette instance, en qualité de membres ou de rapporteurs, de fonctionnaires de l'Etat. La décision précise que "ni l'article L.134-2 du Code de l'action sociale et des familles ni aucune autre disposition législative applicable à la commission centrale d'aide sociale n'institue les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance des fonctionnaires membres des sections ou sous sections, rapporteurs ou commissaires du gouvernement de la commission centrale d'aide sociale ; que ne sont pas davantage instituées les garanties d'impartialité faisant obstacle à ce que des fonctionnaires exercent leurs fonctions au sein de la commission lorsque cette juridiction connaît des questions relevant des services à l'activité desquels ils ont participé". Les fonctionnaires sont dès lors juges et parties, ce qui fait de cette instance une juridiction d'exception n'offrant pas aux requérants les garanties minimales attendues et justifie, pour cela, la censure du Conseil.
Cette décision du 8 juin 2012 est l'exact pendant de celle du 25 mars 2011, qui avait entièrement décapité - et pour les mêmes raisons - les commissions départementales d'aide sociale (CDAS), où siégeaient trois conseillers généraux et trois fonctionnaires de l'Etat en activité ou en retraite (voir notre article ci-contre du 28 mars 2011). Elle était donc attendue.
La censure qui frappe aujourd'hui la commission centrale d'aide sociale - dont les décisions font, avec le Conseil d'Etat en dernier recours, la jurisprudence de l'aide sociale - est toutefois moins pénalisante que celle qui a touché les commissions départementales. En effet, la décision du Conseil constitutionnel ne vise évidemment pas la présence, au sein de la commission centrale, des membres du Conseil d'Etat, des magistrats de la Cour des comptes ou des magistrats de l'ordre judiciaire en activité ou honoraires. Seuls se trouvent désormais exclus de la composition de la commission les fonctionnaires des ministères concernés. De ce fait, la commission peut continuer de siéger tout en se "professionnalisant" et - surtout - en offrant les garanties d'indépendance indispensables.
Une réforme au point mort
Il n'en va pas de même pour les commissions départementales. Il suffit en effet de lire l'actuelle rédaction de l'article L.134-6 du Code de l'action sociale et des familles sur la composition de ces commissions, après la décision QPC du 25 mars 2011, pour comprendre la nature du problème : "La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. En cas d'égal partage des voix, le président a voix prépondérante." Un président seul membre de la commission et qui a voix prépondérante en cas de partage des voix... A défaut d'autres membres, la commission départementale compte cependant un commissaire du gouvernement désigné par le préfet (mais qui n'a pas voix délibérative), un secrétaire (assurant les fonctions de rapporteur) et un ou plusieurs rapporteurs "nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet". Ces rapporteurs n'ont voix délibérative que sur les affaires qu'ils rapportent.
La question de la réforme des juridictions de l'aide sociale - ou de leur suppression au profit de la justice administrative - est donc plus que jamais posée. Répondant à une question écrite, la ministre des Solidarités avait indiqué, en août 2011, que "le Parlement aura naturellement à statuer sur l'avenir des CDAS", mais sans préciser de date, ni indiquer la solution envisagée (voir notre article ci-contre du 29 août 2011). Elle évoquait alors deux hypothèses principales : un maintien des CDAS avec une composition et un fonctionnement garantissant pleinement leur indépendance et leur impartialité, ou le transfert du contentieux de l'aide sociale "à d'autres juridictions ne souffrant pas de telles critiques". Une enquête nationale "destinée à évaluer l'activité et le mode de fonctionnement des CDAS" devait permettre d'éclairer ce choix. Depuis lors, le dossier est au point mort.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Conseil constitutionnel, décision 2012-250 QPC du 8 juin 2012, composition de la commission centrale d'aide sociale.
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