"En une décennie, le thème des fractures territoriales, de la France périphérique, s’est imposé dans le débat politique et c’était nécessaire", a pu constater le Premier ministre, Edouard Philippe, vendredi 6 octobre, devant les élus des intercommunalités et métropoles réunis à Nantes. "Notre pays a un immense besoin de lien. Notre pays a un immense besoin de cohésion", a-t-il dit, lors de la 28e convention nationale de l’ADCF (Assemblée des communautés de France), soulignant "l’urgence de ce chantier". La situation espagnole, de même que les velléités des Républicains de préempter ce terrain depuis quelques semaines ne sont sans doute pas pour rien dans ce constat. C'était aussi le thème de ces rencontres : "Les défis des solidarités villes -campagnes".
Des intercommunalités arrivées à "maturité"
Edouard Philippe a voulu casser le "récit en chiens de faïence" entre les territoires qui prospèrent et ceux qui sont à la peine, entre les ruraux et les urbains. Visions "trop classiques", "trop simplificatrices". Il s’est pris à souhaiter "un monde où l’on parlerait moins de fractures territoriales" et "plus de solidarité et d’équilibre". Treize ans après le rapport Blanc qui a abouti à la "compétitivité des territoires", inspirée des théories du management, le réveil est douloureux qui s’est fortement traduit dans les urnes lors de l’élection présidentielle. Et le gouvernement se trouve aujourd’hui face à "un immense défi", a dit le Premier ministre, celui de "restaurer la confiance dans l’action publique". De ce point de vue, son entrée en matière n’est pas vraiment une réussite, après l’"été meurtrier" qu’ont notamment dénoncé les maires ruraux. La Conférence nationale de territoires sera l’instance qui va permettre à l’Etat et aux collectivités de discuter "de toute une série de sujets qui vont nous concerner dans les années qui viennent", a promis le chef du gouvernement. C’est aussi un "risque". "Il faut favoriser l’exercice d’une décentralisation assumée, agile, intelligente", a-t-il insisté. L’accuser de vouloir recentraliser "n’a pas de sens", a-t-il assuré, louant le "temps de la maturité des intercommunalités" qui constituent la "maille territoriale qui permet de construire les politiques publiques à la bonne échelle". Des intercommunalités qui sont désormais 1.266.
Mais sur le terrain, les élus constatent surtout, impuissants, la fin des contrats aidés, la baisse des APL et des loyers des bailleurs sociaux, les nouvelles économies demandées… Même le pourtant très diplomate nouveau président de l’ADCF, Jean-Luc Rigaut, a dû convenir que les élus avaient "encore un peu de mal à y croire", demandant de la "lisibilité", de la "visibilité", alors que le message des 13 milliards d’euros d’économie "n’est pas du tout passé". Comme sa ministre Jacqueline Gourault la veille (voir ci-dessous notre article du 5 octobre), le Premier ministre s’est fait fort de pédagogie : "Notre objectif est de faire en sorte que sur l’ensemble du quinquennat, l’augmentation de la dépense publique locale soit maîtrisée", a-t-il dit, jugeant ses mesures "plus compliquées" mais aussi "plus intelligentes" qu’une baisse de dotations.
Alliance des territoires
Quant à la politique de cohésion des territoires, le ministre Jacques Mézard a été bien en peine de la détailler. L’Agence nationale de la cohésion des territoires ? On n’en sait pas plus sur sa mise en œuvre, après son intervention, le 5 octobre. "Il ne s’agit aucunement de multiplier ce que font les départements et les intercommunalités" et "en aucun cas de créer une nouvelle usine à gaz", mais d’apporter un "soutien là où il y a des besoins". Voilà pour les explications. L’avant-veille, le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, avait usé de la verve gaullienne, devant la commission des finances de l’Assemblée, pour disqualifier ce "machin" qui "ne servira à rien". Il se susurre même que ses services pourraient être payants… ce qui serait un comble.
Pour Jacques Mézard, "la cohésion renvoie à la notion d’alliance des territoires", à de "nouvelles formes de relations". Et de citer les deux contrats de réciprocité de Toulouse et Brest. "Il y a là un champ d’action d’alliance entre territoires qu’il convient de développer et de faire fructifier", a-t-il dit. Selon lui, "l’égoïsme métropolitain n’est ni une réalité, ni une volonté politique".
En tout cas, certains élus métropolitains semblent vouloir jouer le jeu de cette cohésion. C’est le cas de la présidente de Nantes Métropole, Johanna Rolland, qui a elle aussi insisté sur la notion d’"alliance des territoires". "Les métropoles ne peuvent pas être des formes d’îles sans lien avec leur environnement, sans réciprocité, sans complémentarité", a-t-elle martelé. Ce qui s’est déjà traduit par de nombreuses actions : le pôle métropolitain Nantes Saint-Nazaire, le pôle Loire-Bretagne. Et d’évoquer aussi son projet alimentaire territorial qui sera effectif "fin 2018".
Pourtant Caroline Cayeux, présidente de la communauté du Beauvaisis et de Villes de France, a mis en garde contre le "véritable danger que les métropoles, malgré elles, continuent de drainer les richesses et centralisent un certain nombre de pouvoir".
L’ancien président de l’ADCF Charles-Eric Lemaignen a adressé une requête au gouvernement : l’arrêt de la pratique des appels à projets. Car "ceux qui répondent sont ceux qui ont l’argent et l’ingénierie". Jacques Mézard a semblé du même avis face aux journalistes, reconnaissant qu’ils ne mettaient "pas les collectivités sur un pied d’égalité". Le signal serait fort. On verra si le grand plan d'investissement s'y pliera.
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