C'est l'une des recommandations fortes issues d'un rapport réalisé par deux ingénieurs généraux des Mines et des Ponts, remis il y a plusieurs mois aux ministres de l'Environnement et de l'Economie et publié le 4 mai : le lancement d'un appel à projets national pour développer une économie de l'hydrogène s'ancrant dans plusieurs territoires. Cet appel à projets a effectivement été lancé dans la foulée, confirmant l'intention de la France de se doter de "territoires Hydrogène".
Enfin l'heure ?
Au service de l'intermittence des énergies renouvelables et de la mobilité électrique, l'hydrogène semble en effet s'imposer comme une option crédible. C'était déjà la conviction de PME ultra-spécialisées, de grands groupes énergétiques et des constructeurs automobiles, qui investissent dans ce domaine et multiplient les expérimentations. Le ministère de l'Economie s'y intéressait également, faisant figurer, il y a un an, l'hydrogène en bonne place dans les dix plans de la Nouvelle France industrielle (voir notre article du 18 mars 2015). Et du côté des acteurs territoriaux ? Le département de la Manche a déjà initié une stratégie hydrogène à l'échelle de son territoire (voir notre article du 10 septembre 2015). D'autres en revanche se sont jusqu'à présent montrés plus circonspects, mesurés ou timorés.
Besoin d'un soutien politique
Or, réaffirme ce rapport, l'enjeu est désormais de taille. Après avoir été longtemps perçue comme une "technologie d'après-demain", la filière hydrogène énergie connaît "une accélération des innovations et progrès qui peut bousculer notablement l'agenda des technologies en place ou en plein développement". Les deux ingénieurs généraux signalent l'émergence de marchés de niche comme la logistique ou l'approvisionnement de flottes captives. Pour éviter les lendemains qui déchantent et "rester dans la course sur une filière technologique potentiellement très porteuse", qui pourrait se développer "de manière visible" à l'horizon 2025-2030, ils préconisent un encadrement et un accompagnement appropriés de cette montée en puissance, par "un soutien politique" et "l'établissement d'une feuille de route précise, suivie régulièrement et une gouvernance adaptée". Selon eux, un appel à projets (recommandation n° 7) permettra de développer "à l'échelle d'une grande agglomération, une économie de l'hydrogène satisfaisant différentes utilisations : mobilité, stockage, logistique et niches industrielles, cogénération".
Dépasser les limites actuelles
De son côté, l'Ademe, tout en ayant dans un avis récent jugé l'hydrogène essentielle pour verdir le secteur de la mobilité et faciliter le développement des énergies renouvelables, n'hésite pas à pointer les limites actuelles de la filière.
Cet appel à projets devra donc dépasser ces limites. Les candidats devront intégrer une chaîne complète de production, de conditionnement, de distribution et de valorisation d'hydrogène. Les applications pourront être la mobilité électrique, l'alimentation des sites isolés, le lissage de la production d'énergie de sources intermittentes, la cogénération, l'injection dans le réseau de gaz, les usages industriels... Les projets attendus pourront couvrir des phases d'innovation, d'expérimentation, de pré-déploiement et doivent démontrer, "sur un territoire donné, la multiplicité des services rendus par ce vecteur et les technologies associées".
L'objectif, ajoute le ministère, est de "montrer qu'un territoire, dès lors qu'il utilise une source d'hydrogène décarbonnée pour satisfaire plusieurs utilisations, peut générer un développement économique rentable et écologique". Et que ce territoire fonctionnera "comme un guichet unique vers les différents dispositifs d'aide existants". Différents types de territoires seront retenus : urbain, rural, zones d'activités, ports et aéroports, territoires insulaires. L'appel à projets se clôturera le 30 septembre 2016.
La dominante des flottes captives
L'avis des deux experts sur l'infrastructure de recharge, le déploiement d'un réseau de stations et les premiers usages recensés intéressera également les collectivités. Le rapport évoque ainsi les premières expérimentations ciblant les flottes captives (La Poste et le conseil départemental de la Manche). Outre "l'avantage de disposer de consommations prévisibles", notent les auteurs, cela permet de "démarrer avec uniquement des stations locales accueillant plus de véhicules" et de veiller à leur utilisation optimale. De fait, c'est pour leur flotte de véhicules utilitaires que Valence Romans Sud Rhône-Alpes (Drôme) ou Paris se sont récemment équipées de bornes. De même que la Manche pour son service départemental d'incendie et de secours.
Comment essaimer ? "On peut imaginer un cluster de flottes captives constitué de plusieurs flottes captives et de plusieurs stations d'hydrogène", tentent de répondre les experts. La région Normandie a lancé en ce sens un plan de déploiement de quinze stations. Le but : retenir les projets des collectivités réunissant autour d'elles des entreprises locales intéressées par la mobilité hydrogène. Ce type de clusters de flottes captives parfois publiques, parfois privées, pourraient progressivement mailler le territoire.
Réguler le système énergétique
Notons enfin que le rapport d'experts revient sur la pertinence de l'hydrogène sur un tout autre créneau, celui du stockage de l'électricité. La question semble technique mais intéresse particulièrement certaines régions, notamment les zones non interconnectées (ZNI), où "l'injection importante d'énergies renouvelables variables peut générer des déséquilibres plus importants". Là, bien "associé au concept de territoire à énergie positive (Tepos), l'hydrogène peut valoriser le potentiel renouvelable du territoire en stockant de l'électricité au niveau du réseau électrique moyenne tension".
Intéresser les régions
Evolution récente des compétences territoriales oblige, l'enjeu intéresse donc les régions amenées à agir en matière d'efficacité énergétique et à s'impliquer "à titre expérimental dans un service de flexibilité locale pour les gestionnaires de réseaux". Les experts formulent une recommandation en ce sens visant "une région volontaire" et concernant une expérience susceptible d'être "conduite en milieu isolé et/ou insulaire", à l'instar de l'expérimentation Myrte de Corse du Sud, qui teste en grandeur réelle les conditions et limites d'un stockage d'énergie intermittente, photovoltaïque en l'occurrence - au moyen de l'hydrogène - en liaison avec le réseau insulaire de distribution d'électricité et qui la traite comme un moyen d'effacement des pointes ou de production à puissance garantie.
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