La commission des lois du Sénat a adopté le 10 décembre le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) après l'avoir considérablement amputé. Au total, le texte qu'elle a élaboré préserve les équilibres actuellement en vigueur entre tous les niveaux de collectivités. Ainsi, les sénateurs ont tourné le dos à la régionalisation voulue par le gouvernement, qui devait se traduire par un doublement des effectifs des régions à partir de 2017. Fidèles à la ligne du rapport Raffarin-Krattinger sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République présenté en octobre 2013, les régions doivent être, selon eux, le lieu de l'élaboration de la stratégie... et ne doivent donc pas s'encombrer de compétences de gestion.
De ce fait, le transfert aux régions des 381.000 km de voiries départementales et les 30.000 agents qui travaillent à leur entretien a tout d'une fausse bonne idée, ont tranché les sénateurs. De plus, comment les départements pourraient-ils dans ces conditions continuer à garantir aux communes et intercommunalités une capacité d'ingénierie ? Autre argument avancé par les sénateurs : la gestion de la voirie doit s'effectuer au plus près du terrain et nécessite une capacité de réaction rapide.
C'est avec une préférence marquée pour la gestion de proximité que les sénateurs ont de même annulé le transfert aux régions des 5.274 collèges publics et des quelque 40.000 ouvriers techniques des départements qui y travaillent. Les conseillers régionaux n'auraient pas la capacité d'assister aux réunions de tous les conseils d'administration des collèges, ont-ils pointé.
S'agissant des transports scolaires, les régions sont là encore un échelon trop éloigné du terrain, ont-ils estimé. Par conséquent, ils ont décidé que la compétence devait demeurer sous la responsabilité des départements.
Les sénateurs ont enfin annulé les transferts des ports départementaux aux autres échelons de collectivités. Et ont supprimé le caractère automatique du transfert de certaines compétences départementales vers les métropoles, préférant privilégier la négociation.
La région aux commandes du développement économique
Les sénateurs ont conforté la région dans l'exercice de ses compétences actuelles. Et ainsi de la rendre pleinement responsable de l'attribution des aides aux entreprises et de la définition sur son territoire des orientations en matière de développement économique dans un schéma spécifique. Une stratégie que la région élaborera en "concertation" avec les autres collectivités territoriales au sein de la conférence territoriale de l'action publique. Mais, une fois adopté, le schéma régional de développement économique s'imposera aux autres collectivités territoriales. Ce qui sera aussi le cas pour les métropoles, lorsque celles-ci seront en désaccord avec la région sur les orientations du schéma. Les associations représentant les élus des grandes villes (AMGVF) et des communautés urbaines (Acuf) ont d'ailleurs protesté dans un communiqué, évoquant une "régression". S'il devait demeurer dans le texte, l'amendement ôterait aux grandes agglomérations "la latitude nécessaire pour conduire des actions économiques opérationnelles en lien avec les besoins des territoires", ont-elles souligné.
Les régions verraient aussi leur rôle conforté en matière de politiques de l'emploi. Elles procéderaient en particulier à "la coordination concernant le rôle des communes". Elles seraient aussi mieux représentées dans le conseil d'administration de Pôle emploi. Enfin, elles seraient obligatoirement consultées lors de l'élaboration de la convention pluriannuelle conclue entre l'Etat, Pôle emploi et l'Unedic.
Intercommunalité : le seuil des 20.000 habitants vole en éclats
La suppression de la faculté pour les départements et les régions d'agir dans tous les domaines (en vertu de la clause générale de compétence) demeure dans le texte élaboré par la commission des lois du Sénat. Avec toutefois des exceptions à ce principe qui sont plus nombreuses. En plus de la culture et du sport, le tourisme et la "coopération internationale" sont en effet considérés par les sénateurs comme des compétences partagées par tous les niveaux des collectivités.
En cohérence avec une intercommunalité qu'ils considèrent comme une "coopérative" au service des communes, les sénateurs ont corrigé les dispositions relatives à ce sujet, donnant satisfaction aux réclamations de l'Association des maires de France (AMF). Ainsi, ils ont tout bonnement fait disparaître le seuil de population de 20.000 habitants, ce qui revient à entériner l'actuel plancher de 5.000 habitants assorti d'exceptions. De plus, ils ont réintroduit la notion d'intérêt communautaire permettant de partager finement les compétences relevant des communes et des communautés de communes. La Haute Assemblée a revu enfin à la baisse les objectifs en matière d'intégration communautaire, par exemple en supprimant le transfert obligatoire aux communautés d'agglomération de la compétence communale en matière de promotion du tourisme.
CCAS facultatifs : le retour
La commission des lois a profité de l'examen du texte pour y introduire, à l'initiative de Jacqueline Gourault, une disposition rendant facultative la création d'un centre communal d'action sociale (CCAS) dans les communes de moins de 1.500 habitants. Dans ce cas, les missions du CCAS devraient être exercées soit par la commune, soit par l'intercommunalité, ou encore par le centre intercommunal d'action sociale (CIAS) s'il existe. Il s'agit du retour d'une disposition très débattue lors de l'examen de la proposition de loi Doligé sur la simplification des normes.
Les sénateurs ont également adopté un amendement de Jean-Pierre Sueur créant un schéma régional des crématoriums afin de réguler l'implantation ou l'extension de ces équipements. L'amendement reprend la proposition de loi adoptée en première lecture le 27 mai dernier par le Sénat (voir notre article du 28 mai 2014).
Autre ajout : des dispositions qui fixent des modalités de financement de la compétence départementale en matière de prise en charge des mineurs isolés étrangers.
La commission des lois a inscrit le projet de loi "dans la lignée des réformes de décentralisation", a commenté celle-ci dans un communiqué.
La discussion générale en séance publique commencera ce mardi 16 décembre. L'examen des articles débutera, lui, le 13 janvier 2015. Le projet de loi sera examiné selon une procédure accélérée. La conférence des présidents du Sénat, qui réunit notamment les chefs de file des groupes politiques et des commissions, s'était opposée à cette procédure d'urgence. Mais elle n'a pas été suivie par celle de l'Assemblée nationale. Cela raccourcira les délais de la navette entre le Sénat et l'Assemblée. Mais le projet de loi fera l'objet de deux lectures par chambre.
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFonKdlk6S6rrXSrKCopl2hsm6%2FxKeYrWWimsOqsc2tZKytomK5onnPpaypmaKpeqWx0marq5meqLOmvtOsZJqtqGK%2FprPIqKWs