La Première et la Seconde Guerre mondiale ont donné lieu à un important travail de collecte de la part des services d'archives des collectivités territoriales : mémoires, témoignages, photos, documents… Nombreux sont d'ailleurs les services d'archives à mettre ce matériau à disposition des chercheurs ou à puiser dans leurs fonds pour organiser des expositions à destination du grand public. Véritable choc civilisationnel, la pandémie de covid-19 pourrait donner lieu, à son tour, à un important travail mémoriel du même ordre. Plusieurs services d'archives de collectivités – qui sont tous fermés avec le confinement – se lancent dès à présent dans un travail de recueil.
Les archives départementales en première ligne
Les archives départementales, qui gèrent les fonds les plus importants, sont les premières concernées. L'initiative a été lancée par les archives départementales des Vosges, qui ont proposé le projet dès le 18 mars – au lendemain du confinement –, par un message sur Twitter. Elle a été rapidement reprise par d'autres départements. C'est le cas, par exemple, des archives départementales de l'Aube, qui ont lancé une campagne de collecte de témoignages, afin que "les Aubois gardent en mémoire cette situation de crise inédite". Elles ont, pour cela, missionné une association de Troyes – "Le son des choses" – qui va se charger de recueillir des témoignages oraux, qui seront ensuite conservés et mis à disposition des générations futures. Les témoignages d'adultes avec une profession en première ligne (soignants, pompiers, personnel médicosocial...) seront traités en priorité. Les enfants peuvent également témoigner, avec une autorisation spécifique de leurs parents. La collecte est ouverte du 20 avril au 7 mai. Les habitants intéressés peuvent s'inscrire sur le site des archives départementales.
Dans le Loiret, le service départemental a lancé #memoiredeconfinement, qui s'adresse à tous les habitants. Toutes les expressions sont admises (écrit, audio, vidéo, dessin ou photographie) et les témoignages écrits peuvent être tapés sur ordinateur ou manuscrits. Les documents et écrits peuvent être apportés aux archives (après le confinement) ou adressés par mail ou sur CD-Rom. L'objectif est de mettre ces matériaux "à disposition des chercheurs de demain (historiens, sociologues, ethnologues, géographes, juristes, économistes...)". L'initiative est bien cadrée juridiquement, puisqu'elle prévoit l'anonymisation de certaines données et des formulaires de cession de droits et de libre utilisation laissant le choix aux témoins.
Les archives départementales de l'Isère ont lancé une démarche similaire mais, dans une interview à France Bleu Isère, leur directrice explique qu'"il n'y a pas de caractère d'urgence, car on souhaiterait avoir des récits qui soient un peu aboutis, des histoires qui soient 'rédigées' et non pas uniquement des 'instantanés' de vie". Les archives de l'Isère s'attendent également à recevoir des photos et des vidéos.
Au-delà de ces trois exemples, bien d'autres services départementaux se sont déjà engagés dans ce projet : la Creuse, le Gard, la Mayenne, la Meurthe-et-Moselle, le Pas-de-Calais, la Seine-Maritime, les Yvelines, la Haute-Vienne, l'Yonne, le Val-de-Marne... D'autres initiatives plus transversales sont également en cours, comme celle des Archives nationales du monde du travail (ANMT).
Les archives municipales s'y mettent aussi
Mais ce travail de mémoire n'est nullement l'apanage des archives départementales. Plusieurs services municipaux d'archives se sont également lancés dans l'aventure. C'est la cas, par exemple, des archives communales et communautaires de Vesoul (Haute-Saône), qui proposent à tous les habitants de transmettre leur témoignages. Il peut s'agir, bien sûr, d'écrits, de photos, de vidéos, de témoignages audio, mais aussi de dessins, de peintures, de lettres, de journaux de bord, de billets d'humeur et même... de poèmes. L'appel aux habitants liste également les thèmes qui peuvent être abordés : inquiétudes, espoirs, occupations, garde des enfants, organisation matérielle du confinement, adaptation de l'activité professionnelle, nouvelles solidarités et initiatives citoyennes...
A Antibes-Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes), les archives municipales proposent aux habitants de participer à l'histoire de leur ville "au travers de vos fenêtres". Les documents à transmettre incluent même les remerciements aux personnels mobilisés. Mais le service des archives n'oublie pas les règles du confinement – et celles du droit à l'image – en rappelant aux habitants désireux de participer : "Lors de vos prises de vues, respectez les règles en vigueur concernant le confinement et les mesures barrières à l'extérieur et celles en vigueur concernant la protection de la vie privée et du droit à l'image des personnes".
Là aussi, ces deux exemples sont bien loin d'épuiser la liste des initiatives. Comme pour les départements, France Archives, le portail national des archives, recense ainsi déjà des initiatives similaires à Aubervilliers, Avignon, Eaubonne, Grenoble, Lille, Lorient, Marseille, Orange, Roubaix, Saint-Etienne, Tourcoing...
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