"Que c'est agréable d'avoir auprès de soi une force tranquille." C'est par cette formule pleine d'hommage et de respect que Thierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), a salué Pierre Quercy, délégué général de l'USH, dont le départ en retraite est prévu pour la fin de l'année. Après l'agitation médiatique de ces derniers jours sur la question des logements sociaux vacants, le plafonnement de l'évolution des loyers ou le prélèvement de 360 millions d'euros sur les bailleurs sociaux, le retour sur la carrière de ce haut fonctionnaire a permis de revenir sur l'essentiel : l'évolution et les valeurs du logement social français de ces quarante dernières années.
20 ministres, 37 congrès, 4 présidents de l'USH
En cette matinée du 29 septembre, Pierre Quercy s'est donc livré à un exercice délicat : revenir sur quarante ans d'une carrière marquée par des aller-retour entre le service des opérateurs HLM et les cabinets ministériels du Logement et de la Ville (auprès de Marc-Philippe Daubresse de 2004 à 2005 et de Jean-Louis Borloo de 2005 à 2007). Au total, cet ingénieur des Ponts et Chaussées, qui a choisi de s'intéresser au logement et à l'urbanisme dès la sortie de ses études, aura connu 20 ministres, 4 président de l'USH et assisté à 37 congrès HLM !
Et cette valse des ministres n'aurait-elle pas des effets négatifs sur la politique logement, par essence de long terme ? Pas tellement, juge Pierre Quercy, car, heureusement, "il n'y a pas de changement radical à chaque changement de ministre". De toute façon, depuis quarante ans, on est toujours "sous le schéma mis en place par Raymond Barre à la fin des années 1970, qui visait alors à prolonger les Trente glorieuses". On met chaque année "quelques rustines", mais la "tendance lourde est au maintien de ce schéma, avec une baisse constante des financements de l'Etat". L'essentiel pour ce haut fonctionnaire est donc surtout de convaincre les politiques d'éviter le "stop and go" et de promouvoir des programmations pluriannuelles des crédits logement. "Car les changements brutaux de politique sont redoutables pour l'efficacité : on casse par exemple tout le savoir-faire de maîtrise d'oeuvre construit pendant plusieurs années."
Si le schéma est resté le même, le monde du logement social s'est pourtant profondément transformé ces quatre dernières décennies sous l'effet de "la décentralisation et la naissance de la politique de la ville". Sur ce dernier point, Pierre Quercy souligne le "déclic" qu'a constitué la création de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) en 2003 : "Il n'est désormais plus possible de considérer que les organismes HLM sont seuls à gérer les difficultés des quartiers Anru. Tous les acteurs locaux s'accordent désormais sur l'importance de l'intégration dans la ville."
Enfin, le délégué général de l'USH a indiqué que le mouvement HLM pouvait parfois avoir des "réflexes de vieille dame". S'il faut "refuser de bouger sur les fondamentaux, il est important, a-t-il ajouté, de progresser sur les attributions, la transparence, et de mieux répondre aux besoins de mobilité des locataires". Plus généralement, "il faut s'attacher à anticiper et innover et ne pas être seulement dans la réaction aux discours ministériels".
Logements sociaux vacants : tout le monde à Modane ?
Pourtant, pour Thierry Repentin, le plus urgent en ce mercredi 22 septembre a été de réagir à la publication par le journal Le Parisien d'une liste de 70 communes dont le taux de vacance du parc HLM serait supérieur à 5%. Le quotidien ne précise ni la source du document ni la nature de la vacance mesurée (de plus d'un mois ? de plus de trois mois ?). Il indique seulement que ce taux atteindrait 11,6% à Villejuif (Val-de-Marne), 16,3% à Hombourg-Haut (Moselle) ou 9% à Firminy (Loire).
En réaction à cet article, le secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu, a indiqué que "cette enquête illustre le besoin d'avoir une politique territorialisée pour le logement" et que la gestion des HLM devait être "plus transparente et plus efficace". De son côté, Thierry Repentin a fait état d'une "communication d'opportunité qui met en exergue des sujets lilliputiens pour qu'on ne parle pas des vrais problèmes auxquels est confronté le monde HLM". Dans les villes où la demande est relativement faible, les logements vides s'expliquent par le "départ d'une grande entreprise ou d'une usine, la fermeture d'une administration, la délocalisation d'un régiment...", donc par une perte d'emplois et non une construction à outrance, précise le président de l'USH.
Ainsi, si Modane (Savoie) dispose d'une centaine de logements vacants, "c'est parce que les douaniers l'ont désertée après l'ouverture des frontières européennes", explique Charles Vinit, directeur général de l'office public d'aménagement et de construction de Savoie. Quelque 9.000 personnes sont en attente de HLM dans ce département mais "le gars qui réclame Chambéry, je ne vais pas lui proposer un logement à 100 km", a-t-il déclaré à l'AFP.
Enfin, lors d'un point presse, Thierry Repentin a rappelé que les questions d'actualité n'étaient clairement pas la vacance, mais le prélèvement de 340 millions d'euros sur les bailleurs sociaux et la baisse des aides à la pierre. S'insurgeant que l'effort financier porte uniquement sur les locataires HLM alors qu'on a trouvé cet été de l'argent pour supprimer toute condition de ressources à l'obtention d'un prêt à taux zéro, il a ajouté : "Il y a des limites de décence et de respect à l'égard du monde HLM. On voudrait l'humilier, on ne s'y prendrait pas autrement." De l'utilité d'avoir à ses côtés une force tranquille....
Hélène Lemesle
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