La délégation sénatoriale à la prospective a présenté le 16 mai un copieux rapport d'information portant sur l'adaptation de la France aux conséquences du réchauffement climatique à l’horizon 2050. "Pour le réaliser, nous avons entendu des scientifiques, des agronomes, des économistes, les opérateurs de l’État et représentants des secteurs concernés (agriculture, assurance), les associations d'élus et directement certaines collectivités comme la ville de Paris et la région Nouvelle-Aquitaine", indique le co-rapporteur et vice-président de cette délégation, Ronan Dantec.
Les manifestations des dérèglements - une France plus chaude, des changements significatifs du régime des pluies à l'échelle régionale, la montée du niveau de la mer - et l'exposition des territoires de montagne (détérioration des glaciers et de l'enneigement) comme du littoral (sensibilité variable au phénomène de recul du trait de côte), sont désormais connus et bien documentés. "Les grandes lignes de la chronique du dérèglement climatique sont écrites pour les trente prochaines années. Nous dressons un état des lieux des politiques d'adaptation, relatons les avancées mais aussi la déclinaison territoriale insuffisante, les freins à lever et faisons 18 propositions. Le Sénat entend devenir un fer de lance sur cet enjeu, nous proposons d'en débattre en séance plénière dans les prochaines semaines", explique le sénateur des Alpes-de-Haute-Provence et co-rapporteur, Jean-Yves Roux.
Ces dérèglements auront des effets sur la santé, la sécurité des biens et des personnes et l'économie. "Avec l'agriculture en première ligne mais aussi le tourisme, un secteur qui anticipe mal ces impacts", pointe le rapport. Ces dérèglements vont modifier le régime de certains risques naturels, "l'un des phénomènes les plus inquiétants étant la généralisation des situations de sécheresse des sols extrêmement sévères et longues". "Notre état des lieux se joue en amont, on identifie les secteurs et acteurs ayant un rôle à jouer pour ne plus se contenter des actions d'atténuation et conforter la légitimité de l'adaptation, longtemps perçue comme seconde. Ce qui s'explique, mais opposer ces deux politiques n'a désormais plus de sens, l'adaptation est devenue incontournable et pourrait devenir un accélérateur des politiques d'atténuation", estime Ronan Dantec.
Un bilan contrasté
Le bilan des quinze années d'existence des politiques d'adaptation est mince. Derrière le monde de la recherche, de l'expertise scientifique publique (CNRS, BRGM, Inra, Météo France) et des grands établissements ou opérateurs de l’État (Ademe, Cerema, ONF, Anses, etc.), d'autres services "sont à la traîne" et pas seulement dans le secteur professionnel du développement touristique, où il serait "quasi tabou" fustigent les deux sénateurs. Le secteur de la production d’électricité intègre mieux l'enjeu, le "modèle de gestion intégrée" de la Compagnie nationale du Rhône étant cité pour exemple. La CNR "adapte déjà sa gestion des eaux du fleuve pour faire face à une baisse tendancielle des débits", ce non sans un angle mort car elle "ne dispose pas d’outils de mesure pour savoir quels sont les volumes prélevés annuellement sur le fleuve".
L'évolution dans le secteur assurantiel n'échappe pas aux sénateurs, tout comme la mobilisation sur le sujet des collectivités. Au-delà des collectivités les plus en pointe - avec pour certaines "une réelle sensibilité et des efforts d'innovation remarquables […] susceptibles d'exercer un effet d'entraînement" sur ce sujet pourtant perçu comme "complexe à traiter" et demandant "un changement de paradigme profond (penser les politiques publiques de façon transversale)" - cette implication reste faible. Et cela ne leur est pas propre. Dans chaque strate, poursuit Ronan Dantec, "on perçoit une résistance à se lancer, ce sentiment d'y aller à reculons, par crainte des conséquences qu'un tel enjeu soulève si on s'en saisit réellement".
Du national au territorial
Il y a pourtant un plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc 2, décembre 2018). La déclinaison territoriale des politiques d’adaptation y figure au rang d'objectif prioritaire. Ce Pnacc 2 mériterait une plus forte appropriation, plus d'écho et d'enclencher comme c'est prévu la création d’un centre de ressources, "qui ne soit pas qu'un simple centre de documentation en ligne mais un portail national tendant vers un service public de l’accompagnement à l’adaptation climatique". Outre des propositions et focus sur des chantiers d'adaptation complexes (soutien aux territoires vulnérables, ultramarin, de montagne ou du littoral ; politique d'adaptation du bâti et dans le domaine de l'eau ; mise en place d'un plan national d'adaptation de l'agriculture), ce rapport suggère d'instaurer un pilotage plus interministériel de ces politiques, de faire émerger "une culture de l’adaptation commune à tous les services de l’État", de "renforcer le rôle du Parlement dans la définition et le suivi des politiques d’adaptation, en votant une loi-cadre sur l’adaptation ou en créant les outils d’un suivi budgétaire transversal des politiques climatiques".
Du côté des collectivités, il recommande de conforter la fonction d’orientation stratégique des régions "par la généralisation de prospectives sur le modèle aquitain AcclimaTerra, par des projets de démonstrateurs régionaux et la contractualisation d’objectifs d’adaptation dans les financements régionaux. Et dans les intercommunalités, de faciliter l’appropriation de leurs compétences en matière d’adaptation par un meilleur accompagnement des collectivités portant les projets de plans climats (PCAET), par la formation des élus et par la montée en gamme de l’ingénierie du "volet adaptation" encore faiblement développé dans ces PCAET.
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