"L'ouverture des transports ferroviaires à la concurrence fait partie de la panoplie à disposition des pouvoirs publics pour stimuler l'usage des chemins de fer, elle n'est pas et ne doit pas devenir un objectif", prévient Roland Ries, auteur d'un rapport et d'une résolution sur les enjeux du 4e paquet ferroviaire, adoptés par la commission des affaires européennes du Sénat le 17 juillet. Le sénateur-maire de Strasbourg, également président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) estime que ce 4e paquet, publié le 30 janvier dernier sous forme de trois propositions de directives et de trois propositions de règlements, est "entièrement placé sous un seul signe : lever les derniers obstacles à la concurrence, qu'il s'agisse de normes techniques, d'équipements de sécurité, des transports intérieurs de passagers ou de la gouvernance globale du rail". Une orientation "unipolaire" qui ne prend pas en compte selon Roland Ries les "leçons économétriques" de la libéralisation pratiquée dans le domaine du fret ferroviaire, un secteur où "la concurrence n'a joué aucun rôle positif en faveur de la modalité ferroviaire".
Le fret, un exemple à ne pas suivre
Pour le sénateur, l'évolution du recours aux chemins de fer dépend principalement des investissements dans les infrastructures, des subventions publiques et des tarifs appliqués aux trajets. "Quant au prix de revient global du système ferroviaire, il est loin de diminuer lorsqu'augmente le nombre d'opérateurs de transport, notamment en raison des frais de coordination très rapidement croissants", souligne-t-il. "Tendant à condamner les liaisons peu rentables lorsqu'elle est pratiquée sans restriction, la libéralisation des chemins de fer doit prendre en compte l'expérience malencontreuse du fret pour préserver les liaisons de voyageurs obéissant à des impératifs de services publics", insiste Roland Ries qui appelle aussi à "ne pas se tromper de cadre conceptuel". A ses yeux, la concurrence pure et parfaite dans un marché atomisé n'est tout simplement pas adaptée aux chemins de fer. "Pour obtenir un fonctionnement conforme à l'optimum collectif, mieux vaut recourir à la théorie dite des 'marchés contestables', cette expression désignant des marchés où la situation de tout producteur, fût-il dominant, est menacée en permanence par la facilité avec laquelle un nouvel opérateur pourrait introduire une nouvelle concurrence, fondée sur une meilleure qualité de production ou des prix moins élevés", explique le sénateur.
Pour une concurrence "régulée", il propose donc de laisser chaque Etat membre libre d'opter ou non pour une structure verticalement intégrée ou dissociée, "sous la réserve unique mais impérieuse d'attribuer sillons et marchés de manière impartiale" et de "faire de l'option pour l'une ou l'autre de ces deux formes d'organisation un choix réversible dans les deux sens, à la seule diligence de l'Etat membre concerné". S'il faut maintenir l'étanchéité des flux financiers du gestionnaire d'infrastructures envers tout opérateur de transports ferroviaires, il s'oppose en revanche à toute "muraille de Chine" entravant les mouvements professionnels des cheminots. Il estime aussi qu'il faut autoriser le ministère des transports à superviser le fonctionnement du gestionnaire d'infrastructures et des opérateurs de transport ferroviaire, que l'Etat membre concerné ait ou non retenu le principe d'une structure verticalement intégrée.
Faire jouer la péréquation pour les liaisons de service public
Selon Roland Ries, le schéma proposé par la Commission européenne, qui écarte d'emblée le financement des lignes déficitaires par les usagers des lignes excédentaires, risque de condamner à terme les liaisons de service public. Comme il n'est pas envisageable de laisser aux seuls contribuables – entreprises ou usagers – le soin d'équilibrer les comptes et que le droit de l'Union européenne est très restrictif en matière d'aide publique, la situation paraît inextricable. C'est pourquoi le rapport propose de substituer au dispositif proposé par la Commission un double mécanisme. Il consisterait à laisser à chaque Etat membre la faculté d'ouvrir un marché de délégation de service public incluant à la fois des liaisons ferroviaires rentables et des liaisons déficitaires de façon à réintroduire une péréquation entre pertes et profits au niveau de chaque opérateur adjudicataire. Les Etats membres seraient aussi autorisés à organiser un double système d'enchères positives et négatives : les premières conduiraient à attribuer une liaison rentable à l'opérateur qui propose de verser la somme la plus élevée, les secondes viseraient à confier les lignes déficitaires aux candidats demandant la plus faible subvention d'équilibre. "Un tel système d'enchères s'inscrit a priori plus aisément dans l'esprit libéral qui souffle sur la politique européenne des transports mais il n'est pas nécessairement équilibré : le produit des enchères positives peut être insuffisant pour verser les sommes dues en vertu des enchères négatives", met toutefois en garde Roland Ries. Le rapport propose aussi de maintenir la faculté ouverte aux autorités organisatrices locales d'organiser des transports ferroviaires en régie. Enfin, il n'est pas question pour le sénateur de faire payer l'ouverture à concurrence par le personnel. Bruxelles propose déjà que la délégation de service public puisse comporter l'obligation pour l'adjudicataire de conserver le personnel, note-t-il, mais il reste un point à préciser : "les personnes maintenues dans leur poste de travail par leur nouvel employeur doivent l'être dans des conditions identiques à celles qui auraient été applicables si l'opérateur historique avait conservé cette portion du réseau." La résolution de Roland Ries, adoptée par 16 voix contre 12, reprend les propositions de son rapport en invitant le gouvernement à les soutenir et à les faire valoir dans les négociations en cours.
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoa55loJa%2BtrHTZp2eqqKkw6qtyKucZq2eYr%2BivM%2Boqa1lo5q7osDOq6CapF2WvbGxy6WcZq2emnqku82crKuqlaOwpnnRnp6upJWa